Sexe entre femmes
Elle portait l’odeur du danger et la douceur des femmes



Je ne l’ai pas vue arriver.
Elle s’est glissée dans ma vie comme un murmure trop long sur la peau nue, une présence lente qui vous ensorcelle avant même que vous ne compreniez qu’elle est là. Je crois qu’elle savait exactement ce qu’elle faisait. Ce genre de femmes-là ne laisse rien au hasard. Elles flairent la faille chez l’autre. Elles avancent avec grâce, mais sans retour.
Je me souviens de la première fois que je l’ai regardée. Pas simplement vue, non. Regardée. Vraiment. Elle était là, au fond d’une soirée trop mondaine, un verre de vin blanc à la main, les jambes croisées avec cette précision qui n’appartient qu’aux femmes qui se savent désirables. Un chemisier noir, légèrement entrouvert. Une bouche qu’elle mordait à peine. Un regard flou, presque arrogant. Elle ne souriait pas. Elle constatait. Et moi, je perdais pied.
Je ne suis pas naïve. Pas prude non plus. J’ai aimé des corps, des hommes, des heures sales et douces. J’ai connu des mains rugueuses et des halètements pressés. Mais elle… elle m’a retournée. Lentement. Silencieusement. Comme une marée monte autour des chevilles sans que vous ayez le temps de reculer.
Elle s’appelait Liora. Ça sonnait comme une promesse chuchotée dans le noir. Comme un prénom que l’on prononce en retenant sa respiration. Elle n’avait pas besoin de gestes spectaculaires. Elle regardait, elle s’approchait. Et les autres s’effaçaient.
Un jour, elle a posé sa main sur mon genou. Sa peau était chaude, assurée, autoritaire. Elle ne m’a pas demandé si je voulais. Elle m’a seulement invitée. D’un mouvement d’œil. D’une pression. Je n’ai pas réfléchi. J’ai suivi.
Son appartement était à son image : feutré, contenu, troublant. Des rideaux épais, des bougies disposées avec soin, du bois clair et cette odeur persistante de jasmin et de cèdre. Une musique basse faisait vibrer l’air. Tout semblait pensé pour ralentir le monde. Pour vous aspirer dans son rythme à elle.
Elle a refermé la porte. S’est avancée. Je sentais déjà ses doigts sur ma nuque. Son souffle proche. Une chaleur lente m’envahissait, dans le ventre, dans les cuisses, jusque dans la gorge. Je ne savais plus si je voulais partir en courant ou m’agenouiller devant elle.
Elle ne m’a pas embrassée tout de suite. Elle a contourné mon corps comme un fauve prêt à s’allonger à vos pieds. Elle me frôlait, me flairait. Ses mains s’arrêtaient parfois, sur mes hanches, sur mes épaules, dans mes cheveux. Je ne savais plus comment tenir debout.
Quand sa bouche a trouvé la mienne, j’ai compris que je ne serais plus jamais exactement la même.
Il n’y avait rien de masculin dans ce baiser. Et pourtant, une force rare. Une douceur qui impose. Une domination calme. Sa langue glissait contre la mienne comme une promesse tenue. Elle m’emmenait. Me guidait. Et moi, je me laissais faire. Pour la première fois depuis longtemps, j’étais une page blanche.
Elle a défait ma chemise avec soin. Un bouton après l’autre. Comme si elle ouvrait un coffret précieux. Elle ne cherchait pas à aller vite. Elle goûtait chaque geste. Et moi, je fondais déjà. Mes jambes me trahissaient. Ma poitrine battait contre ma peau. Mon ventre se creusait.
Elle, elle était encore habillée. Parfaitement. Une chemise en satin ivoire, une jupe crayon qui moulait ses hanches, des bas noirs tenus par une jarretière que je ne voyais pas encore mais que j’imaginais déjà. Elle m’a regardée nue, tremblante. Elle n’a pas souri. Elle a respiré plus fort.
Quand elle m’a allongée sur son lit, les draps étaient froids. Mais sa bouche, elle, était brûlante. Elle a commencé par mes épaules. Par mon cou. Par mes clavicules. Sa langue dessinait des courbes. Ses doigts suivaient. Mon corps n’était plus qu’un ensemble de nerfs à vif.
Ses gestes étaient précis, lents, savants. Elle savait exactement quand effleurer, quand presser, quand griffer. Elle s’arrêtait parfois, juste pour me regarder suffoquer, haleter, m’agripper au vide. Elle me lisait comme un livre trop longtemps fermé. Et elle tournait les pages à son rythme.
Et puis sa bouche est descendue.
Entre mes cuisses, elle n’a rien précipité. Elle a pris possession. Elle m’a goûtée, avalée, bue. Sa langue traçait des cercles, des vagues, des éclairs. Parfois elle s’arrêtait. Puis reprenait. Ma peau ne savait plus si elle devait pleurer ou exploser. Mon bassin la réclamait. Mes mains s’agrippaient à ses cheveux. J’ai hurlé, je crois. Un cri sourd, rauque, venu d’un endroit que je ne connaissais pas.
Je suis venue contre elle. Fort. Vite. Et longtemps.
Mais elle ne s’est pas arrêtée. Elle a continué à m’embrasser, à m’explorer. Comme si mon plaisir n’était qu’un début. Comme si elle voulait graver son souvenir entre mes jambes.
Quand elle a enfin remonté son corps le long du mien, je l’ai sentie fondre dans mes bras. Et cette fois, c’est moi qui ai voulu apprendre. Ses seins étaient lourds, fiers, tendus vers moi. Sa peau douce, presque fragile sur le ventre. Ses cuisses puissantes. Et son sexe, chaud, ouvert, vibrant. J’ai glissé ma langue avec précaution. Puis avec urgence. Elle a gémi, les dents serrées. Ses ongles dans mon dos. Son souffle court. Elle m’a guidée du bassin, sans mot. Elle voulait que je m’enfonce. Que je m’applique. Et je l’ai fait. Jusqu’à ce qu’elle vienne. En silence. Les lèvres entrouvertes. Le corps secoué d’un spasme contenu. C’était magnifique.
On s’est endormies nues, emmêlées. Collées, moites, encore tièdes de ce que nous venions de vivre.
Le matin, la lumière filtrait à travers les rideaux. Je l’ai regardée dormir. Son visage apaisé. Ses lèvres gonflées de baisers. Ses cheveux en désordre. J’ai eu envie de pleurer. De la retenir. De partir. Tout à la fois.
Elle s’est réveillée. M’a caressée du bout des doigts, comme si elle vérifiait que j’étais encore là. On n’a rien dit. On n’avait pas besoin.
Je suis repartie peu après. Sans promesse. Sans explication. Les jambes molles. Le ventre encore noué. Mais avec un frisson sous la peau que je n’avais jamais connu.
Je n’ai pas changé ma vie. Je n’ai pas mis d’étiquette sur ce que j’ai ressenti. Mais il y a dans mes souvenirs une chambre tiède, des draps froissés, un regard de femme, et une langue qui m’a rendue à moi-même.
Et parfois, quand je suis seule, quand le silence devient lourd, je pense à elle.
Liora.
Et mon sexe palpite encore à son souvenir.